Le Melodrame "Cine-club-Janviers" Film:"Tout ce que le ciel permet" de Douglas Sirk

Publié le par cinejerome.over-blog.com

Le mélodrame

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À l'origine, il s'agit d'un genre théâtral dramatique et populaire qui signifie étymologiquement drame avec musique. Il apparut sous sa forme achevée en France à la fin du XVIIIe siècle. Ritournelles, gestes, paroles, chants, pantomimes et jeux de scène soulignaient alors l'entrée des personnages principaux et les situations capitales d'une intrigue invraisemblable aux effets attendus. Dans le mélodrame les effets sont exagérés, parfois au détriment de l’intrigue . Au XIXe et début du XXe siècles, c’était un genre très populaire. Ce genre a toujours été dédaigné par la critique. Trop pompeux, trop pathétique.

Dès le début, le cinéma a repris ce genre théâtral qui oscille entre malheur violent et sentiment exacerbé. Mais dès le début, la critique de cinéma n'est pas dans la même lignée que la critique théâtrale : un certain mépris. Pourtant le cinéma s’en empare d'une manière plus sociale comme on peut le remarquer avec Le Lys brisée (1919) de D.W. Griffith. Qui n’hésite pas a montrer la misère des bas fonds de New-York. Bien sûr, c’est une histoire d’amour qui finit mal, comme dans tout bon mélodrame. Mais pourquoi ? À cause d’un père ivrogne qui tue sa fille parce qu'il ne supporte pas qu’elle soit amoureuse d’un Chinois. Ce film est très social. Et c’est peut-être ça la force du mélodrame, ça parle de gens ordinaires. 

On peut parfois lui reprocher l’'invraisemblance des sentiments, des situations ou de son esthétique. Le but du mélodrame n'’est pas d’'être dans la réalité des situations, mais dans la réalité des sentiments. Cela fait penser au roman-photo.… Les thèmes principaux tournent autour de l'innocence persécutée, la foi trahie, la mise en couple contrariée, l'amitié hypocrite ou éternelle, l'amour absolu. …Mais on ne peut pas réduire le mélodrame à de simples codes. Frank Borzage pensait que le mélodrame était un genre complet. Qui lui permettait d’avoir un regard tendre, compassionnel et politique sur le genre humain.

 

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On remarque donc que le mélodrame est plus politique que l'’on croit. Douglas Sirk grand metteur en scène américain d'’origine allemande va dans ce sens. Il faut aller au-delà du vernis flamboyant qui cache souvent des frustrations dues à la pression sociale et aux préjugés. Une frustration due à une puissance du désir si forte, qu'’elle en est disproportionnée et qui va j’usqu'au sacrifice face à une société hypocrite. Tout ce que le ciel Permet en est une parfaite illustration, quand le vernis de cette communauté se craquelle face à une relation qui n'’est soi-disant pas dans les normes. Une veuve tombe amoureuse d'’un homme plus jeune qu’elle et n'’est pas de la même condition sociale. Et la pression des enfants soi-disant ouverts d’'esprit qui ne supportent pas d'’imaginer leur mère avoir des rapports sexuels. Ou comment s'’aimer face au cataclysme humain de la Deuxième Guerre  mondiale (Le temps d’'aimer…). Et dans son dernier film le mirage de la vie ou tout les personnages est en quête d’identité que ce soit racial, social, professionnelle, sexuelle. Sirk disait pour qu’un mélo fonctionne il faut de l’'empathie pour ces personnages. Même si à la fin la mort est au rendez-vous et que leur amour se finira dans les larmes et le sang, il faut y croire jusqu'’au bout, se battre jusqu'’au bout face à la une guerre et une société conservatrice. Fassbinder était un grand  admirateur de Sirk. Et on le voit assez clairement dans Lyly Marlen ou Tous les autres s’'appellent Ali où le regard des autres  empêche deux êtres de s'’aimer. Le mélo a complètement disparu dans les 60/70 (sauf en Allemagne avec Fassbinder). Le spectateur avait besoin de réalisme face à une société en mutation. Et les mélos représentaient le vieil Hollywood. À ce jour dire qu’'un film est un mélo est péjoratif. Pourtant certains grands réalisateurs, ces dernières années, ont réhabilité ce genre d’'une manière remarquable. Eastwood : Million dollars Baby (ou l’influence de sirk est assez évidente), Sur la route de Madison, Un monde parfait. Ozon : Sous le sable, Angel, goutte d'’eau sur pierre brûlante. …Et bien sûr, Almodovar, qui est l'un des plus grands maîtres du Mélo : La fleur de mon secret, tout sur ma mère, volver, la piel que habito . 

Le mélo est un genre aussi méprisé que les films d’'Horreur. Mais comme les films d’'horreur, ce sont des œœuvres profondément politiques et sociales. Ne soyons pas comme certains personnages des films de sirk ; allons au delà des apparences.

Jérôme lefevre
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