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L'apocalypse
En décembre 2015, la France a accueilli le grand raout mondial sur le changement climatique. Pour se demander ou savoir comment nous allons attendre la fin du monde. Parce que voilà, on nous dit : « si vous ne faites rien, le monde sera envahi par les eaux. Le déluge est proche, il est inévitable ». Et nous, on attend sans trop y croire. C'est une apocalypse au long court, qui prend son temps.
Et paradoxalement on est aussi dans une apocalypse de chaque instant : tsunami, tremblement de terre, typhon, ouragan… Pour la population qui le vit c'est une apocalypse (mot très souvent employé par les médias pour désigner l’ampleur des dégâts).
Les plus anciens discours sur l'apocalypse que nous connaissons sont diluviens.
Le déluge de Noé dans la Bible, dans la Torah, mais aussi chez les Grecs où Zeus en colère provoque un déluge laissant deux survivants.
Mais les écrits les plus lointains que l'on puisse connaître datent de 40 siècles avant J.C., en Mésopotamie (dont la Bible c'est fortement inspiré).
Dans ces récits religieux, les divinités sont résolues à ne plus détruire les humains, mais à installer misère, famine, catastrophe, comme pour réguler le vieillissement, d'ailleurs la Bible fixe l’espérance de vie à 120 ans .
L'apocalypse est ancrée dans notre culture. Surtout judéo-chrétienne. Souvenez-vous de l’année 2012, les intégristes religieux avaient remis en avant la parousie (Jésus revenant sauver le monde, pour apporter un message d'espoir et de salut). Le compte à rebours a commencé pour que nous soyons sauvés des flammes de l'enfer.
De La Fin du monde d'Abel Gance (1931) à Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare (2012), le septième art a souvent exploré cette thématique riche en dilemmes moraux et en rebondissements spectaculaires, Hollywood en tête avec ses films catastrophes tonitruants dont ceux de Roland Emmerich, Independence Day, Godzilla, Day After tomorrow 2012.
Elle inspira récemment autant les films d'animation : Pixar (Wall E) ou Miyazaki (Nausicaa) que des visions d’auteurs, parmi lesquelles Tate Shelter de Jeff Nichols et Melancholia de Lars von Trier.
La fin du monde, mais quel monde ? La Terre ? Le monde qui nous entoure ? Notre quotidien, notre petit monde ? Le monde occidental ?
La fin du monde dans le 7e art a évolué suivant les époques, le contexte politique etc.
Une certaine paranoïa depuis le 11 septembre s'est emparée du cinéma américain. La théorie du complot est souvent traitée (comme dans Matrix ou dans Paranoïak). Qui ressemble à une paranoïa collective qui est similaire à celle des années 50/60 : le communisme dans les profanateurs de sépulture. La catastrophe nucléaire avec la comédie de fin du monde Le docteur folamour.
Mais les films catastrophe qui ont le vent en poupe en ce moment sont bien évidemment les films catastrophe écologiques, 2012, Le jour d’après, Phénomène…
On pourrait y mettre bien sûr Armageddon où Deep impact qui sont des films de fin du monde au sens eschatologique. Ils relèvent de la théologie et de la philosophie en lien avec les derniers temps, les derniers événements de l’histoire du monde, ou l’ultime destinée du genre humain. Couramment appelée la « fin du monde ». La météorite vient punir tous les péchés de l'homme.
D'autres œuvres, Serious Man, Melancholia, Tate Shelter se focalisent plus sur l'attente du désastre. Où la famille, l’intérieur du home sweet home, est minée, gangrénée par cette parano du monde extérieur où les faux-semblants de la structure familiale s’autodétruisent.
La fin de la parentalité est une forme d'apocalypse : avec Les fils de l'homme c'est le début de la fin : l'apocalypse n'est plus Dieu, le communisme ou la nature qui reprend ses droits mais l'homme. La route de John Willcoat, (une adaptation de qualité tirée du roman de Cormac McCarty), en est un parfait exemple. C'est la fin de l'humanité.
Alors, que penser d'Apocalypse Now, un film avec le mot Apocalypse dans le titre bien qu'a priori ce soit un film de guerre ?
La charge de Coppola, est certes cinglante envers l’armée américaine, mais il exprime aussi, non pas la fin de l’humanité, mais la part d’humanité qui réside en chacun de nous. Ça sent la mort lente. L’armée devient une machine à broyer les hommes, les avilissant jusqu’à l’insensibilité la plus extrême, représentée par un Kurtz qui, entre deux têtes coupées, invite à se lier d’amitié avec l’horreur.
Comme l’illustre un photojournaliste joué par Dennis Hopper « le monde ne s’évanouit pas sur un bang, mais dans un gémissement, une longue plainte qui n’en finit plus ». Au final, à l’article de la mort, Kurtz souffle ces mots à qui veut les entendre : « L’horreur, l’horreur… ».
Mais les séismes naturels tirés de la Bible restent quand même légion. Il faut dire aussi que les catastrophes tirées du livre saint des chrétiens sont de sacrées productions hollywoodiennes !
Tremblement de terre :
« Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau ; et il y eut un grand tremblement de terre […] Le ciel se retira comme un livre qu’on roule ; et toutes les montagnes et les îles furent remuées de leurs places. Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes. Et ils disaient aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l’Agneau ; car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ? » (Apocalypse 6 :12-17).
Comètes
« Et il tomba du ciel une grande étoile ardente comme un flambeau ; elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Le nom de cette étoile est Absinthe ; le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d’hommes moururent par les eaux, parce qu’elles étaient devenues amères » (Apocalypse 8 :10-11). Lorsque cela arrivera, les gens penseront-ils à une catastrophe naturelle, ou reconnaîtront-ils les avertissements bibliques ?
Épidémie
« Le premier alla, et il versa sa coupe sur la terre. Et un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui avaient la marque de la bête et qui adoraient son image […] Ils blasphémèrent le Dieu du ciel, à cause de leurs douleurs et de leurs ulcères, et ils ne se repentirent pas de leurs œuvres »(Apocalypse 16 :2, 11). Selon les prophéties, cet endurcissement aboutira à une ultime rébellion universelle contre Dieu, et une grande bataille entre le bien et le mal au retour du Christ.
Après le court-métrage Comet (1910), depuis un siècle, essayez de trouver une seule année où l’apocalypse ne soit pas évoquée au cinéma. Devenu un genre en soi, le thème se décline en plusieurs variations comme les extraterrestres ou les zombies.
Reste que certains artistes sortent du lot, en s’interrogeant sur la mort, ce qui donne lieu à des œuvres fortes qui savent toucher leurs contemporains, dans un rapport intime et frontal.
Est-ce que l'art et les artistes ne font pas mourir le monde pour mieux le réinventer ?
Jérôme Lefevre
Biblio: Positif et Magazine littéraire