le nouvel hollywood

Publié le par cinejerome.over-blog.com

 

 Cineclub M.P.T. Sotteville: "Le Nouvel Hollywood". Projection du film "Mean Street" de M.Scorsese (1973)

 

 

Le Nouvel Hollywood

 

Le début du « Nouvel Hollywood » est d’abord une affaire d’époque. Les années 60, c’est l’arrivée des Beatles, de la pilule, du Vietnam, de la drogue. L’odeur du cannabis se propage jusqu’à Hollywood, et Beverly Hills n’échappera pas à son « Flower power », à la fin des années 60. L’Amérique vivait sa révolution culturelle.

En 1967, deux films provoquent un séisme à Hollywood : Le lauréat de Mike Nichols et Bonnie and Clyde d’Arthur Penn et d’autre suivirent : Macadam cow-boy ; 2001 l’odyssée de l’espace ; Rosemary’s baby en 1968, La horde sauvage et Easy rider en 1969 ; M.A.S.H et Cinq pièces facile en 1970 ; French Connections ; John Mc Cabe en 1971, et, enfin, Le Parrain en 1972. Le nouvel Hollywood était né.

On peut distinguer deux vagues de metteurs en scène qui s’emparent du pouvoir durant les années 70. La première est celle des metteurs en scène nés dans les années 30 comme Peter Bogdanovich, F.F. Coppola, Warren Beatty, Stanley Kubrick, Dennis Hopper, Mike Nichols, Woody Allen, Bob Fosse, Arthur Penn, John Cassavetes, Alan J. Pakula, Bob Rafelson, Hal Hashby, W. Friedkin, Robert Altman et Richard Lester.

La seconde fut celle née dans les années 40 et qui fréquente les écoles de cinéma : Martin Scorsese, Steven Spielberg, Georges Lucas, Paul Schrader, Briand De Palma, Michael Cimino et Terence Mallick.

Ces deux générations créèrent des œuvres d’une grande cohérence avec leur époque. Des films moins connus furent réalisés, mais leur influence était tout aussi importante, comme L’épouvantail, The Kings of the Marvin Gardens, Le Récidiviste, Bad Company et la plupart des films de John Cassavetes. Enfin cette « Révolution » ouvrit les portes d’Hollywood à des réalisateurs européens comme John Schlesinger, John Boorman, Milos Forman, Roman Polanski, Bertolucci, Sergio Leone. Mais certains vétérans ont su s’adapter. Ce fut le cas de John Huston, Don Siegel, Sam Peckimpa, Sydney Pollack, Sydney Lumet, qui trouvèrent une certaine liberté pour réaliser quelques chefs-d’œuvre.

On ne peut évidemment pas parler du « Nouvel Hollywood » sans parler de l’ « Actors studio » qui donnera naissance à des acteurs tels que J. Nicholson, R. de Niro, D. Hoffman, A. Pacino, et sans oublier les femmes comme Ellen Burstin, J. Fonda, Faye Dunaway, Diane Keaton. Hollywood faisait aussi sa révolution sexuelle.

Une grande partie de cette génération venait de New-York. Hollywood fut totalement « Gothamisé ».

 

À la fin des années 60, les studios étaient dans une situation financière catastrophique. 1969, 1970, 1971 furent les pires… La fréquentation des salles en 1946 était de 78,2 millions et de 15,6 en 1971.

Avec la vente des salles de cinéma par les studios en 1948, le contrôle des films deviendra de plus en plus difficile. Le cinéma européen n’en sera que plus largement diffusé dans les salles… Et des réalisateurs comme Godard, Truffaut, Bergman, Antonioni, Fellini commenceront à se faire un nom. Ils influenceront les réalisateurs cités plus hauts.

Avec la concurrence de la télévision, les studios n’ont plus d’autres choix que d’ouvrir leurs portes à ces jeunes réalisateurs, fans de Pierrot le fou, du Voleur de bicyclette ou de Blow up.

Certains spécialistes affirment que cette période aura duré jusqu’au film de M.Cimino Les portes du paradis qui mettra en faillite United Artist. La chute fut donc terrible. Nous essaierons de comprendre cela en prenant l’exemple de quatre films : Bonnie & Clyde, Le Parrain, Les Dents de la mer et Les Portes du paradis.

 

BONNIE AND CLYDE

 

Pour beaucoup d’historiens du cinéma, Bonnie & Clyde est un film déclencheur du futur Nouvel Hollywood. Écrit par deux journalistes d’Esquire, le scénario fut d’abord envoyé à François Truffaud, pour lequel les deux auteurs nourrissaient une grande admiration. Le réalisateur français transmit ensuite le script à Warren Beatty, qui s’en saisit rapidement… Passionnés de cinéma, ces deux scénaristes s’étaient fait leur propre culture en écumant les salles d’art d’essai, qui projetaient en grande partie des films européens. La « Nouvel Vague » commençaient déjà, sans le savoir, à influencer le cinéma américain.

Ces deux auteurs adoraient Jules et Jim. Ce film influença considérablement l’écriture du scénario de Bonnie and Clyde.

À la réalisation, Warren Beatty voulait A. Penn, avec lequel il avait déjà travaillé. A. Penn n’avait pas que de bons souvenirs à Hollywood. Il avait tourné Le Gaucher, avec P.Newman, et La poursuite impitoyable, avec M.Brando. On lui avait promis le Final Cut, chose qu’il n’obtint jamais.

Beatty signe alors un contrat en tant que producteur avec la Warner. A. Penn aura dès lors le final cut. En contrepartie, Beatty (qui commence à être une star) ne touchera rien avant la sortie du film et aura un pourcentage sur les bénéfices. La Warner pensait que c’était un contrat sans risque, le film ne coûtait pas grand-chose, au pire la Warner ramasserait deux fois sa mise.

Il est intéressant de voir qu’Hollywood n’avait pas vu venir le changement de la société américaine… Les studios se reposait sur cet Hollywood doré qui avait pourtant commencé à faire faillite.

Bonnie & Clyde se passe pendant la Dépression, mais il s’agit clairement d’un film sur son époque. Il nous parle d’une jeunesse qui ne croit plus aux valeurs parentales. Le sexe y est omniprésent. Clyde Barrow se libère sexuellement quand il prend la fuite avec Bonnie. L’inégalité sociale, la répression policière et la violence y sont également bien présents. Voilà ce que disait A. Penn à propos film : « On était en pleine guerre du Vietnam, ce film ne peut pas être tout immaculé, aseptisé. Fini le simple bang bang. C’est furieusement sanglant. »

Le film fut un grand succès. Le contrat liant Beatty à la Warner fut par conséquent une catastrophe pour le studio. Hollywood fut contraint de réfléchir à son avenir.

 

LE PARRAIN

 

Le Parrain est d’ abord un roman à succès de Mario Puzo. En 1968, la Paramount rachète les droits. En 1970, le studio proposera la réalisation du film à F.F.Coppola, pour lequel ce genre de projet représentait tout ce qu’il voulait fuir : film de studio, film de commande… Comme tous ses copains de l’époque, le cinéma qui l’intéressait était la Nouvelle vague, le néoréalisme italien ou Fellini. Coppola acceptera et obtint satisfaction à toutes ses exigences. Sur le casting, par exemple. Aucune star. Coppola cherchera des acteurs dans le milieu de la télévision, des amateurs. Le moindre acteur apparaissant à l’écran devait avoir le « profil » de l’Italo-américain. Mais pour le casting des rôles principaux, la bataille rangée entre le studios et Coppola ne faisait que commencer. Des le départ, Coppola voulait James Caan pour le rôle de Sonny, Robert Duval pour Tom Hagen et Al Pacino pour Michael. James Caan étant le plus connu, le studio le voulait pour Michael, un rôle important. Le Studio trouvait qu’Al Pacino jouait mal, transparent, moche… Un autre problème — qui devait jouer le Don ? Coppola propose M. Brando… La Paramount dut se demander si ce n’était pas de la provocation.

Brando avait une très mauvaise réputation depuis Les Révoltés du Bounty. L’acteur était devenu gros, son dernier film était un bide ! La Paramount fut ferme. Elle ne voulait pas de Brando. Coppola décide alors de faire une vidéo de Brando en train de ce transformer en Don. Les producteurs furent bluffés. Brando était toujours un grand acteur et ils acceptèrent. Au fur et à mesure que le tournage avançait, Le Parrain devenait un film a gros budget.

Le tournage dura six mois et s’acheva en septembre 1971. Le final cut était maintenant acquis. Le film durait trois heures, ce qui posait pas mal de problèmes pour la distribution. Un format de trois heures limitant le nombre de séances par jour…

Le film sort en 1972. Ce fut le plus grand succès du cinéma d’alors, — donc, grande rentabilité. Le succès du Parrain montre bien que le public avait changé. C’était un film de studio, qui avait une certaine lenteur, sombre, — que ce soit dans le propos ou à l’image, avec le parti pris d’une lumière sous-exposé — qui parlait de corruption, d’immigration, de drame familial et de conflit de générations.

Le Parrain est vraiment le film qui a obligé les studios à prendre des risques. De laisser la place à ses nouveaux talent.

La rentabilité du film avait fait pencher la balance du bon côté.

 

LES DENTS DE LA MER

 

Spielberg raconte qu’il prit un livre qui s’appelait « jaws », un jour qu’il traînait dans le bureau de son producteur. Il le lut pendant le week end. Spielberg pensa qu’il pourrait en faire un bon film. Le fils Zanuck lui donna le feu vert.

Le tournage commence le 2 mai 1974. Le tournage devait durer dix semaines et le budget était de 3,5 millions de dollars. Dès le début du tournage, les problèmes mécanique du requin articulé commencèrent. Il louche, la bouche ce referme mal. Trois requins mécaniques coulent. Tout le monde avait du mal à comprendre ou Spielberg voulait en venir, l’équipe avait l’impression de tourner un vieux nanar à la Roger Corman. Le budget atteignit les 10 millions de dollars et 30 semaines de tournage. Le film sortit le 20 juin 1975 dans 409 salles, autant que pour Le Parrain. Les deux plus gros succès d’alors étaient Le Parrain, qui avait rapporté 86 millions de dollars, et L’Exorciste, avec 89 millions. Les Dents de la mer en rapportera 129 millions (grâce en partie aux bandes annonces qui passaient régulièrement à la télévision). Les studios se lancent tête baissée dans la publicité télé. Le budget marketing des films explose. Même si la qualité du film reste indéniable, un tournant est pris. Les films atypiques qui prenaient des risques visuels et scénaristiques allaient bientôt disparaître. Les studios, avec Les Dent de la mer, venaient de comprendre qu’ils pouvaient grâce à ce genre de film, faire de gros profits en très peu de temps. La télévision, qui était la grande rivale du cinéma, devenait son plus proche allié. Roger Corman remarquera dans les années 1980, que les films qu’il produisait au début des années 1970 avec les frères Carradinnes coûtaient trois fois rien et s’appelaient La Course de l’an 2000. Ce genre de film s’appelle désormais Jours de tonnerre avec Tom Cruise et coûte plus de 40 millions de dollars…

Dès 1975, Les Dents de la mer annonçaient la fin du « nouvelle Hollywood ».

 

 

LA PORTE DU PARADIS

 

Après le succès de Voyage au bout de l’enfer (et plusieurs Oscar) M. Cimino avait un certain poids. Sur la pré-production de La Porte du paradis, comme sur la distribution, il parvint à faire ce qu’il voulait. Mieux, il obtint le droit contractuel de dépasser le budget, si cela devait s’avérer nécessaire.

Le tournage commence le 16 avril 1979, dans le Montana. M .Cimino était connu pour son perfectionnisme, le tournage prit très vite du retard. La cadence du tournage était de deux pages de script (qui en comptait 133) par jour. Après dix jours de tournage, on comptait douze jours de retard. Après un mois et demi de tournage, le budget atteignait les 10 millions de dollars — le budget initial. Le calcul était simple. À ce rythme, le film coûterait 43,5 millions de dollars au final. Les producteurs vinrent sur le tournage, mais en voyant le pré-montage, ils furent (dit-on) subjugués par la beauté des images. Mais de toute façon, il leur était impossible de virer un réalisateur en plein tournage sans avoir le syndicat des réalisateurs sur le dos. Le tournage prit fin le 2 octobre. Cimino se retrouvera avec 220 heures de film.

Le 18 novembre 19880 eut lieu l’avant première du film, à New York, dans sa version de 3 heures 35. Ce fut un échec critique retentissant. Ils étaient tous d’accord, en plus d’être un gouffre financier, c’était un mauvais film. United Artist le retire de l’affiche aussitôt, ce qui était du jamais vu. Le studio remontera le film dans une version plus courte de 2 heures 20 et sort le film en avril 1981. Les critiques furent les mêmes. Le film rapportera 1,3 millions de dollars alors qu’il en avait coûté 44. U.A. ne survivra pas et sera racheté par la M.G.M.

 

La Porte du paradis marqua la fin du « Nouvel Hollywood » où les réalisateurs étaient rois. Les films coûtaient de plus en plus cher et ne marchaient pas. Ils s’appelaient Apocalypse Now, Red, 1941, Raging Bull. Si les studios n’avaient pas vu le vent tourner fin 1960, il en fut de même pour toute cette génération de réalisateurs à la fin des années 1970. Eux aussi sont restés dans leurs tours d’ivoire et n’ont pas su négocier ce virage.

Depuis que les studios utilisaient la télévision pour le marketing, la promotion des films avait changé. Trente secondes, montre en main, voilà ce que devait durer le spot publicitaire d’un film. Si le film ne répondait pas à ce critère, il était toute suite écarté. Une idée, une image. Alors que pour les films cités plus haut, une seule image pouvait renfermer quarante idées…

Devant l’argent généré par certains films des années 1970, une poignée de biznessmen commencèrent à flairer la bonne galette. Comme un certain Eisner, le futur patron de Dysney, pour lequel cinéma était un produit de masse comme un autre. Une idée film devait tenir en 25 mots (The Player de R. Altman le montre très bien). Les années 1980 sont aussi le début de l’ère Reagan. Le premier président américain évangéliste. Une vague de puritanisme déferle sur les États-Unis. Dans ce contexte de crise financière, le moment était venu pour les studios de reprendre le pouvoir.

Dès lors, Cimino ne tournera que deux films. Coppola mettra des années à rembourser Apocalypse now, et fut contraint, dans les années 1980, de faire des films de commande. Altman faillit arrêter le cinéma…

De cette époque, il restera plus que Scorsese qui réussira à sortir quelques grands films.

Les films qui coûtaient 30 à 40 millions de dollars, comme La Porte du paradis, s’appellent désormais Superman, Flash Gordon, Star Trek, Monnraker…

Jérôme Lefèvre novembre 2010

Publié dans cinema

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