la continentale, cinema sous l'occupation: cineclub de janvier

Publié le par cinejerome.over-blog.com

images-copie-10Le cinéma sous l'occupation.

 

Dans les années trente, la France a révélé de grands réalisateurs : Jean Vigo, Jean Renoir, Julien Duvivier, Marcel Carné, Marcel Pagnol, Sacha Guitry, Abel Gance, Christian Jacques, Marc Allégret...

La guerre est arrivée et a tout arrêté.

Les équipes techniques et artistiques étaient disséminées dans la « zone libre » et la « zone occupée ». Certains réalisateurs comme Julien Duvivier ou René Clair (leurs épouses étaient juives), ont fait leurs valises pour Hollywood. Hollywood a en effet été la destination privilégiée des artistes de l'époque. Ils n’y allaient cependant pas tous pour les mêmes raisons : Michèle Morgan ou Charles Boyer pour des raisons artistiques, Marcel Ophuls ou Marcel Dallio pour des « raisons raciales» et Éric Von Stroheim qui était devenue une des stars du cinéma français avec La Grande illusion, les disparues de Saint Agil, pour

 

Dès 1940, 300 salles de cinéma parisiennes reprennent leur activité suivies par les salles de province. Y étaient diffusés des films de fiction mais également des films de propagande. De plus, une société aux capitaux allemands, la S.O.G.E.C., avait racheté plusieurs cinémas dans lesquels elle diffusait des films comme Le jeune Hitlérien ou Le Péril juif.

 

La S.O.G.E.C. s'occupait de distribuer les grands films allemands de l'époque mais son rôle était en fait celui d’un comité de censure. Afin d’exercer un contrôle total, on fit venir le docteur Alfred Greven ancien pilote de chasse, ami de Goering. Greven avait un long passé de producteur et connaissait très bien le cinéma français. Il était décidé à jouer un rôle déterminant dans l’industrie cinématographique française. Ses connaissances et sa passion pour le cinéma allaient l'aider à créer la « Continental Films ». Société de production aux capitaux allemands mais aux ambitions artistiques françaises. Greven mettra tout les moyens disponibles pour mobiliser le meilleur des réalisateurs, scénaristes, acteurs, techniciens, studios. De 1941 à 1944 la Continental produira trente films. Certains seront considérés comme des chefs d’oeuvres  : L’assassinat du père Noël ( Christian Jacques), Les inconnus dans la maison (H. Decoin), L'assassin habite au 21 (H.G Clouzot), La main du diable (Tourneur), Le corbeau, Au bonheur des dames…

Entre la « zone occupée » et « la zone libre » régnait une certaine paranoïa qui ne tarda pas à s'installer dans le milieu du cinéma. Un journal parisien accusa Abel Gance d’être d'origine juive qui se justifia rapidement en dédiant son film Venus aveugle à Pétain.

Que ce soit dans la « zone libre » ou dans la « zone occupée » la loi anti-juive posait des problèmes y compris à Greven qui voulait les meilleurs. Or parmi les meilleurs certains étaient juifs et n'avaient pas le droit d'exercer leur métier. Cependant une solidarité existait au sein de la profession, Marcel Carné qui travaillait en zone libre avait embauché clandestinement sous de faux noms Trauner et Kosma pour Les visiteurs du soir et Les enfants du paradis. A La Continental, l’utilisation de pseudonymes était presque monnaie courante : Le Chanois (Dreyfus) Jean Ferry (Levy), Françoise Giroud, Jacques Baumer. Greven sermonnait parfois Clouzot afin qu’il soit un peu plus discret. Greven voulait les meilleurs et pour ça il était prêt à fermer les yeux sur pas mal de choses.

On sent l'influence du cinéma allemand dans les films de la Continental. Cela ne venait pas seulement de la production ; beaucoup de cinéastes français avaient été influencés par le cinéma allemand ; Clouzot connaissait très bien le cinéma expressionniste, Tourneur également.

Les artistes et les techniciens ayant travaillé pour la continental ont été jugés après la guerre. Clouzot écopa d’une interdiction de filmer pendant trois ans. Beaucoup furent jugés pour trahison. Dans cette époque de reconstruction, tout devait être noir ou blanc, pour se rassurer, pour redémarrer. C'est en cela que ces jugements étaient à l'emporte pièce. Que pouvaient faire les artistes qui n'avaient pas toujours les moyens comme Renoir de partir aux Etats-Unis ?

Bien sur à la fin de la guerre tous les français étaient résistants. Peut-être pour que la reconstruction soit plus facile à gérer.

Mais nous, 70 ans après, quel est notre jugement ? Fallait-il travailler pour certaines productions françaises, dirigées depuis la zone libre donc pétainistes, et y faire des films anodins. Ou travailler pour une production allemande en faisant des films magnifiques, avec du contenu, un regard aigu sur ce qui se passait, en embauchant des techniciens d'origine juive. Je pense que ces artistes ont fait ce qu'ils ont pu, et même plus encore. Ce qui est certain, à cette époque, la solidarité a existé dans le milieu du cinéma.

 

Jérôme Lefèvre. Février 2012

 

Sur ce sujet je vous conseille « Laissez-passer » de Bertrand Tavernier.

 

 

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Z
Les allemands ont saisie les cinemas appartenant aux juifs. Un vole scandaleux. Pourquoi ne le pas mentiionner??
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