Le polar asiatique ( cineclub M.P.T. de fevrier)

Publié le par cinejerome.over-blog.com

Depuis quelques années, le cinéma asiatique a pris une place importante dans le paysage cinématographique mondial notamment grâce à une distribution plus importante. L’essor du cinéma asiatique passe par le film de genre : horreur, fantastique, sabre et particulièrement le polar ou le « film noir », catégories où trois pays dominent : le Japon, Hong-Kong (Chine) et la Corée du Sud.

 

La Corée

memories of murder affiche-2La Corée découvre le cinéma vers les années vingt. Le pays est alors colonisé par le Japon et la censure est omniprésente. Elle est d’autant plus forte, avec l’entrée en guerre du Japon dans la deuxième guerre mondiale ; Les cinéastes coréens ne peuvent alors tourner que des films de propagande.

Après la défaite du Japon et la libération de la Corée, le cinéma reprend ses droits. Pour peu de temps, en effet la production est rapidement arrêtée par la guerre de Corée. Il semblerait qu’il n’existe plus aucune trace cinématographique antérieure à 1945.

Après 1953, le théâtre et le cinéma sont exemptés d’impôt cela permet la relance de la production artistique.

En 1969, après le coup d’Etat de Pak Chong Hui, une politique oppressive et de censure est mise en place. Pak Chong Hui est assassiné en 1979. La répression militaire durera cependant jusqu'en 1988.

La démocratie s’installe enfin, mais le public préfère le cinéma de divertissement à celui basé sur la critique sociale et de plus en plus de réalisateurs passeront par le « film de genre » pour traiter des traumatismes de la dictature et de la guerre. Ainsi, Park Chang-Wook connaîtra le succès avec des films comme Sympathy for mister Vengeance et Old boy en plein essor du cinéma coréen dans les années 2000. Dans son cinéma, il n’hésite pas à déstructurer le récit, à jouer avec nos peurs les plus primaires, comme la mutilation. Son esthétisme est à la limite du baroque et du fantastique. Il nous emmène dans le conte, où l’enfermement, la vengeance et l’exclusion sont ses thèmes de prédilection. Il s’intéresse à l’individu face à lui même et à ses démons comme dans son film de vampire Thirst.

Bong Joon Ho s’intéresse plus à la société coréenne dans son ensemble et à la façon dont l’individu doit se fondre, accepter ou combattre cette société. On le voit clairement dans ses films : Memories of murder qui traite du pouvoir et de l’absurdité policière, The Host de l’emprise de l’impérialisme américain sur la Corée et Mother des laissés pour compte face à une société libérale.

 

 

 

 

Le Japon.

Le polar japonais a toujours eu une place de choix qui lui permettait d’analyser la société japonaise, son évolution entre tradition et modernité.

Dès les années 20, la principale influence du polar japonais est le film de gangsters Hollywoodien, qu’Ozu décortiquait, pour offrir au public une digne relecture. Ozu allait jusqu’à prendre un pseudonyme, « James Maki », pour signer certains scénarios.

L’après-guerre accentuera la rivalité entre une société moderne qui évolue et une société traditionnelle qui stagne jusqu’à l’angoisse.). chien-enrage,filmCinema,560,image1,fr1292953400,L160 Et on le voit clairement dans les « films noirs » de Kurosawa L’ange ivre (1948) et Chien enragé (1949Le héros de Chien enragé erre dans Tokyo en ruine à la recherche de son arme. L’homme et la ville sont ici les symboles d’un japon détruit et perdu. Le japon va se relever. Mais pour ça tous les moyens sont bons et Kurozawa nous le montrera dans Les salauds dorment en paix (1960).

Dans les années 90, le cinéaste Takeshi Kitano fera connaître mondialement le polar japonais avec son film Sonatine. Il utilise tous les codes du « film noir » pour mieux les détourner. On retrouve toujours le héros, insatisfait, poussé à la lutte contre une société, qu’elle soit mafieuse ou policière. Les héros d’Hana-bi et de Sonatine ne se sentent pas à leur place et assument leur émancipation. Dans son cinéma, la femme n’est pas fatale. Elle accompagne le héros dans sa décision. Elle n’est pas « mauvaise », ni soumise, elle fait un choix. Cela pose la problématique de la place de la femme dans la société japonaise. 

La fin des années 90 notamment avec Cure nous montre un Japon plus impersonnel où l’occidentalisation et le capitalisme ont gagné. On n’est plus dans la dualité mais dans la constatation.

 

 

Hong-Kong.

Avant les années 90, le cinéma hongkongais est surtout connu pour ses films de sabres. Cet héritage donne une forme bien particulière au polar.

Dans les années 60, le polar est un genre peu exploité, même si certains auteurs, tels que Lu Kong et Chu Yan, essaient d’ouvrir la voie en racontant des histoires sur des situations politiques ou sociales de la colonie.

Dans les années 70, la télévision s’empare du genre. Vu la situation économique de l’époque, les producteurs hongkongais préfèrent financer des films plus « légers ».cover-john-woo-s-hero-collection-7523

Les années 80 sont les années du renouveau avec des cinéastes comme Alex Cheung, Tsui Hark et bien sur John Woo. John Woo avec Syndicat du crime et The killer ne va pas révolutionner uniquement le cinéma hongkongais mais le cinéma mondial. Il impose un nouveau style de combat : le « gunfight ». Les combats deviennent d’une beauté emprunte de drame et de violence. Les sabres sont remplacés par les flingues. Ringo Lam est un autre réalisateur qui marquera son époque. Il le fera avec des sujets plus sociaux, la corruption, la délinquance comme dans City on fire ou School on fire. Si les années 80 ont été les années de John Woo, les années 90 et de début 2000 sont celles de Johnny To qui n’hésite pas à mettre en avant les craintes comme le cynisme du peuple hongkongais face au départ de l’empire britannique en 1997. The mission est le film qui le fera connaître au monde entier. Il contribuera à renouveler le genre avec des films comme : P.T.U., Breaking News, Elections 1 et 2 …

Le polar des années 2000 sera moins violent, avec des scénarios extrêmement construits, bien léchés voire même propres. Infernal affair d’Andy Law ne possède pas la violence brute des films de Ringo Lam, John Woo ou Tsui Hark.

 

Il est frappant de voir que le cinéma de genre a fait connaître le cinéma asiatique, mis à part le cinéma japonais peut-être, au plus grand nombre. Ces films considérés comme mineurs nous éclairent sur leurs sociétés, les enjeux politiques ou économiques et nous permettent d’échapper à la complaisance d’une vision « caricaturale » d’un pays.

 

Cela montre une fois de plus que cinéma de genre est un cinéma politique.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article